Avec sa caravane
échouée aux limites de la ville, sa
guitare toujours prête
à chanter et ses horaires pas
chrétiens, J.J. Cale est bien le Gitan
de Nashville. Nashville
la guindée, la cité-dollar où musique
ne rime qu'avec fric et dont
seule une entrevue avec
votre "day-sleeper" préféré
pouvait réchauffer l'atmosphère.
Audie avait recommandé l'Opryland Hôtel, et
c'est là-bas qu'ils m'ont collé, un grand hôtel
bâti comme le Pentagone, tout en style
néo-Autant-En-Emporte-Le-Vent avec des valets
fagotés en cochers de fiacre, des fleurs de lys
sur le p.q. et trois lavabos dans la salle de
bains. Avec ma Toyota de location, ma veste
de péquenot normand et mon badge Cure je
me faisais l'effet d'une câpre dans la crème anglaise.
L'endroit possédait trois salles de bal,
dix salles de conférence, trois restaurants tous
plus inutiles les uns que les autres, un night-club
et partout de la moquette assez épaisse
pour perdre à jamais un pékinois adulte. Cet
hôtel, "born into tradition", fait en réalité
partie du complexe construit en 1972 ou 73
par les proprios du Grand Ole Opry. Opryland
est tout à côté. Un croisement entre un parking
lot (grand comme quarante terrains de
foot à peu près) et un studio de télé, et à peu
près autant d'âme que les deux réunis. C'est le
"New Nashville", le Nashville des freeways.
Le Nashville cossu et repu. Un des plus beaux
et confortables aéroports de la nation. Partout
des businessmen bien rasés, bien nourris,
arborant leurs denims de luxe et leurs coupes
au rasoir (difficile de voir une paire d'oreilles
mâles à Nashville: toujours les cheveux longs
coupés comme il faut, longs mais propres et
bien rangés...). Des portefeuilles contenant
des guirlandes de cartes de crédit. Des
montres à digitales pour les hommes, des
extra-plates pour les dames, et pour tout le
monde, bien sûr, de l'or. L'argent, le fric, c'est
le thème premier à Nashville. Ce n'est pas la
country music qui a bâti cette ville. C'est les
assurances. Jamais vu autant de boutiques de
prêteurs sur gages, banques de crédit et
autres établissements d'usure ("Only one
signature required"). Partout l'argent manifeste
tranquillement sa présence, avec cet
aplomb, cette conscience et cet ordre que
seules les villes protestantes savent afficher.
Life and Casualty. National Life and Accident
Insurance Company. Southern Equity. Et si
vous croyez que la country music apporte un
peu d'âme dans tout ça, détrompez-vous.
Extérieurement du moins, Nashville (et son
industrie de la musique) est une ville froide,
fermée, calculatrice, malgré les allures de
good ole boys que cultivent la plupart des
artistes, éditeurs et cadres.
On est loin du magasin d'Ernest Tubb et des
funky honky-tonks de ces trois pâtés de
maisons sur Broadway, là-bas downtown,
petite enclave du péché coincée entre la Cinquième
Avenue et la Cumberland River. On
est loin de l'hôtel à puces sur la Septième
Avenue et Commerce où j'avais couché il y a
deux ans, juste à côté de Broadway, justement,
en face de la gare de Trailway et du
Night Owl Drive Through Liquor Store. Le
Ryman Auditorium est juste à côté, lugubre
bâtiment de briques dans la Cinquième
Avenue. Toute cette partie de Nashville me
fait penser à Liverpool. Et à cette époque de
l'année, avec le froid humide qui vous
remonte les jambes de pantalons, Nashville
pue comme Londres en hiver. Le Ryman Auditorium,
bien sûr, c'est l'ancien Grand Ole
Opry, une ancienne église reconvertie en
temple de la musique de bouseux. L'endroit
est encore ouvert au public, et on peut dire
que le musée qu'il est devenu garde tout à fait
l'esprit de l'ancienne émission de radio qui a
donné naissance au phénomène: ringard à
souhait. Les bancs de bois sont encore là, le
balcon aussi (nommé Confederate Balcony
parce que rajouté par les Confédérés durant la
Guerre de Sécession). On peut voir les boîtes
aux lettres où les stars venaient chercher leurs
lettres de fans. Ils ont tous leur portrait sur un
mur: les nouveaux venus en couleurs lumineuses
comme les Ricains en ont pour
afficher leurs menus et glorifier leurs hamburgers
et les Anglais leurs Wimpy: Johnny Paycheck,
Roy Clark, Mickey Gilley et toute la
bande ont cet air tristos d'une ampoule de
40 watts vissée sur une douille de 100. Par
contre, juste au-dessus des boîtes aux lettres,
six portraits des vieux de la vieille, perfect
glossies, noir et blanc, poignants. Dotty West
fait de l'œil au grand Hank Williams, qui a
l'air de s'en foutre comme de sa dernière bouteille
ou son dernier flacon de Black Beauties.
C'est d'ailleurs la seule trace de Hank
Williams dans ce capharnaüm, cette photographie
glacée, ce sourire maigre et hanté. (Si on
veut se faire une petite idée de l'ambiance et
du niveau du Grand Ole Opry à la grande
époque - les Années Quarante - je recommande
un disque sorti en 76 sur MGM,
"Hank Williams Sr., Live At The Grand Ole
Opry". Si vous avez assez d'estomac pour encaisser
les platitudes du présentateur Red
Foley et le babillage exténuant de Minnie
Pearl, la Betty Boop de la Country Music.)
Cowboy Copa a laissé son chapeau dans une
vitrine. Gene Autry un foulard. Hank Williams
que dalle, que son fantôme.
La scène du Ryman est incroyablement
exiguë; l'ensemble, scène et coulisse, rappelle
immanquablement les salles de patronage et
les distributions de prix. Il y a encore le fameux
écran peint qui a servi de décor au spectacle
pendant plus de vingt ans. Il représente
une grange, parce qu'à l'origine l'émission de
WSM-Radio s'appelait WSM Barn Dance, ou
quelque chose dans ce goût-là. A droite on y
voit un écusson en forme de bouclier bleu
avec WSM écrit dessus, et la légende: We
Shield Millions (WSM, pigé?). Eh oui, vous
auriez dû vous en douter: WSM-AM, WSM-FM,
WSM-TV, le Grand Ole Opry House, Opryland
et même le grand hôtel où j'ai couché,
tout appartient à la National Life and Accident
Insurance Company. Dont la devise commerciale
est justement "We Shield Millions"
("On en protège des millions"). Derrière la
scène, en coulisse, un grand bout de plancher
a été remplacé: c'est le morceau qui a été intégré
à la scène de l'Opryland là-bas, trente
miles plus loin le long de l'autoroute. Nashville
n'a peut-être pas d'âme, mais par contre le
sentiment et le sentimental ne posent aucun
problème. A pleins tombereaux, qu'ils étalent
ça. Et je trouve quand même le Ryman cent
fois plus touchant que le Disneyland plastifié
et "countryfié" de l'Opryland (où je n'ai pas
mis les pieds parce que ça n'ouvre que le
week-end, mais sur la chaîne 13 de la télé de
mon hôtel il y avait une vidéo non-stop me
vantant les charmes de l'endroit, ce qui est
tout à fait dans le style Nouveau Nashville).
Je préfère encore aller fouiner chez les frères
Lawrence, dans l'invraisemblable bric-à-brac
qu'ils ont sur Broadway, juste à côté de chez
Ernest Tubb.
Le Lawrence Brothers Country Store offre des
marchandises aussi variées que des bottes
(une pointure par modèle!), ceinturons, lacets,
disques soldés, cravates western avec "Nashville,
Music City" écrit dessus en mauve, etc...
Et où donc allez-vous trouver un coupe-ongles
en forme de guitare (rouge et nacré) en même
temps que des vieux disques de James Brown
sur King, "Chapel Of Love" par les Dixie Cups
et de rares vieilleries comme "Chocolate
Moose" par Zoo (poulains d'Ed Cobb, le papa
des Standells, même cuvée), le tout pour
moins de trois dollars? Et pour pas un rond
vous pouvez mater le numéro des deux frangins,
Shorty et Gros Cigare; il faut vraiment
les voir pour le croire, avec leurs pointes de col
en argent (un col qui déjà n'avait pas besoin
d'accotement, un col un peu plus étroit qu'une
autoroute) et leurs barreaux de chaise anticastristes.
Et si leurs bottes ont toutes la
même pointure, eux n'ont pas le pied dans le
même sabot pour faire l'article. "We got ALL
kinds, we got lots, we got'em ALL, dontch we,
Shorty?" Et Shorty d'opiner en parquant son
bout de cigare à l'autre coin de sa bouche:
"Damn right, by golly..."
On a fait du business
ensemble, et après
cinq disques il est
toujours mon ami.
LA CHAISE
Okay. Jusqu'à présent on n'a parlé que de fric
ou de good ole boys, et moi-même je me
demande ce que J.J. Cale peut foutre dans
une ville comme Nashville. Mais je vais
bientôt le savoir. Parce que c'est lui que je suis
venu voir. Le reclus le plus fantômatique du
rock; une des figures les plus secrètes et les
plus énigmatiques de la musique qu'on aime.
Je vais le voir ce soir à six heures et je vais
pouvoir lui demander ce qu'il fout à Nashville,
où il habite depuis deux ou trois ans. Mais
d'abord, je poulope de studio en studio, de
lieu-dit en lieu-dit, pour cerner un peu ma cible
(parce que je me gourre bien qu'il va pas en
moufter une, J.J. J'ai lu ses interviews; dans
le genre monosyllabe réticente, il se pose un
peu là). Alors je sillonne la ville de Mt Juliet à
Woodland Street, de Bradley's Barn à Woodland
Studio, du Columbia Studio B à Crazy
Mamas. Tous ces noms magiques qui sont
comme des bornes du rêve pour tous les
toqués de J.J. Cale. Ceux qui ont Cale sous la
peau et qui achètent tous les disques même
s'ils se ressemblent beaucoup (c'est pas une
vanne: rares sont ceux qui trouvent un nouveau
sillon à creuser et à travailler, alors on va
pas se mettre à renâcler parce que le bougre
n'en a qu'un). Et pour une fois j'ai pas du tout
de mal à faire la transposition; j'ai pas à me
monter la bourriche ni à faire monter mes
questions et mon enthousiasme en neige,
fébrilement et artificiellement. Parce que je
suis moi-même un givré irrémédiable de Cale,
un fan de la première heure.
Vers cinq heures, je me retrouve chez Audie
Ashworth dans la grande maison qui lui sert
de quartier général, résidence, bureaux et
studio d'enregistrement. Crazy Mamas, pour
ceux qui adorent se tripoter la gamberge sur
les pochettes de disques, Crazy Mamas c'est
ici. Au sous-sol de chez Audie Ashworth. Un
studio à peine plus grand que ma chambre
d'hôtel à l'Opryland. Shad, le jeune enthousiaste
qui est un peu l'homme à tout faire à
Crazy Mamas, me montre les lieux, indique
une chaise en fer: "C'est LA chaise. Il était là
hier soir." Le studio sert à Cale, bien sûr, mais
aussi à Audie dont le métier principal reste
avant tout l'édition musicale et qui se sert du
studio pour faire les démos des chansons qu'il
compte placer et vendre. A l'occasion, pour
pousser une chanson ou un artiste en qui il
croit, il sort le disque sur son propre label
(Crazy Mamas Gramophone Company). C'est
ce qu'il a fait par exemple pour un jeune
auteur nommé Don Schlitz avec une chanson
intitulée "The Gambler". Chanson qui finit par
être interprétée par Bobby Bare, Johnny Cash,
Tennessee Pulleybone (!), Charlie Tango (!),
sans parler de Schlitz lui-même (le simple
d'Audie a finalement été racheté par Capitol,
qui a également signé Schlitz en tant qu'artiste
et chanteur). Mais là où Audie et Schlitz décrochèrent
la timbale, c'est quand Kenny Rogers
choisit la chanson comme bélier pour son
album de 1978. "The Gambler" s'est à ce
jour vendu aux alentours de deux millions
d'exemplaires...
Audie Ashworth est un homme charmant, trapu,
parlant très doucement, un homme qui fait
partie de la "scène" de Nashville sans pour
autant porter les stigmates écœurants du
business. C'est pourtant un businessman.
Simplement, un businessman qui connaît ses
priorités. Il a débuté comme chanteur-compositeur,
comme tout le monde à
Nashville, mais très vite a trouvé sa niche
dans l'édition, travaillant pendant longtemps
pour Capitol. Son désir d'indépendance l'a
poussé très tôt à vouloir monter une maison
de production. Dans son cas particulier, les
"connections" furent Snuff Garrett (qui lui
envoya et recommanda J.J. Cale - mais
comme ingénieur du son!) et Moss Rose, big
honcho dans l'édition et propriétaire d'un des
premiers petits studios de Nashville.
DAY SLEEPER
Audie m'explique tout ça dans la voiture, un
gros station-wagon. Il fait nuit. A cinq heures
et demie. Le mec des informations annonce la
grande nouvelle du jour: les filles du Penthouse
devront dorénavant danser "vêtues",
ceci à l'encontre même des lois sur le zoning.
Les pornographes se verront dorénavant imposer
une peine de prison ferme, quelle que
soit la "faute" commise. Et George Jones annonce
qu'il fait une cure de désintox quelque
part en Alabama; l'an dernier il avait déclaré
banqueroute et avait cité son alcoolisme
comme une des raisons de son infortune...
Apparemment, je suis le premier journaliste
que Cale laisse "monter" chez lui. Et je
suppose que c'est une des raisons pour
lesquelles il a fallu attendre la tombée de la
nuit pour m'y conduire. Il y a bien sûr d'autres
explications: Audie avait une journée bien
remplie avec ses affaires. Et John n'est pas
tellement du genre matinal, comme l'atteste
l'écriteau sur la porte de sa maison au bord du
lac, un écriteau du genre "chien méchant":
"Day Sleeper". En fait, Cale ne trompe
personne: il aime dormir, c'est un fait entendu;
mais il est tout aussi susceptible de se lever à
cinq heures du matin qu'à deux heures de
l'après-midi. Ce qu'il n'aime pas, et ceci se
confirmera par la suite, c'est la routine.
Je suis évidemment tenu de respecter sa tranquillité
et d'honorer la confiance qu'il me fait
(Dieu sait pourquoi), et c'est vraiment dommage.
Il y a un ou deux détails piquants que
j'aimerais pourtant bien partager avec vous...
mais ne puis, sous peine sans doute de voir
John mis en déroute cet été par une armée de
touristes français à la recherche de sa retraite.
Disons seulement qu'il habite une maison
confortable au bord d'un lac, qu'il est voisin
avec un vieux président américain qui a sa
tronche sur les billets de vingt dollars et qui
était surnommé Old Hickory. Un esclavagiste.
Son living-room est un invraisemblable
capharnaüm encombré d'instruments divers,
de gadgets électroniques et d'équipement
d'enregistrement, micros, magnétos, guitares,
un piano, un orgue et tout le tremblement.
Cale (que ses amis appellent John, au fait, et
JAMAIS Jay Jay) est en train de manger un
yaourt dans la semi-obscurité des ABC
Evening News. Une fois le rituel accompli,
il me fait faire le tour du propriétaire: la
cuisine donne sur un grand balcon surplombant
le lac, ainsi qu'une autre pièce totalement
occupée par une console et autres
monstres électroniques. Finalement John
s'installe pour la corvée (bien que je doive
avouer que pas une seconde il ne m'a fait
sentir que j'étais un emmerdeur fini). Il est
malheureusement impossible de rendre
l'accent insensé de Cale (okie, évidemment,
mais avec ces intonations poilantes comme
seuls les Texans en ont, quand ils sont way
way out there - la seule comparaison qui me
vient à l'esprit est Rocky Erickson, ce qui ne
vous dirait évidemment rien); tout comme il
est dommage pour vous de ne pas pouvoir
mater la qualité de la trombine à Cale, qualité
qui n'apparaît jamais sur les photos; sur pellicule,
Cale semble se durcir et devenir aussi
expressif qu'un Indien de cigar store. Mais là
devant vous, vous avez une tronche mobile,
alerte, ironique. Un genre Popeye the Sailor,
mais en caoutchouc. J'ignore si c'est le
fameux menton fendu ou les replis bizarres
dans les joues, mais on a l'impression qu'on
pourrait lui appuyer sur le nez et qu'il reprendrait
forme avec un PLOC! digne d'un jouet
en caoutchouc. A part ça, une tête de mineur
de fond ou d'ouvrier de fonderie. Une tête de
travailleur. Avec, bien sûr, la légendaire barbe
de deux jours. (Merci, sans ça j'aurais été
déçu.) Pour le reste, jeans, chemise de travail
en flanelle et grolles de terrassier. Grolles
raisonnables. Une drôle de bouille. Une drôle
de Gueule d'Amour.
Je demande une prise pour ma cassette. Pas
de problème, c'est pas ça qui manque chez
J.J. Cale. Il a l'air seulement un peu atterré en
voyant l'invraisemblable imbroglio de mes fils
et rallonges.
"Hey, ça colle, man, t'es branché? Hey,
laisse-moi dénouer ce sac de nœuds..." Geste
bénin, mais plutôt caractéristique quand on
connaît son goût pour tout ce qui est mécanique,
électrique ou électronique. Passion inattendue
sur laquelle on reviendra.
Tous ces noms magiques
qui sont comme des bornes du rêve
pour tous les toqués
de J.J. Cale.
AVANT MIDNIGHT
PHILIPPE GARNIER - Pour la plupart des
gens, et pour moi aussi, J.J. Cale a un passé
un brin mythique, voire même nébuleux.
Quand on essaie de remonter les traces, on
trouve un curieux album sorti sur un label de
Los Angeles, Viva. Ça s'appelait "Take A Trip
Down Sunset Trip", ou quelque chose comme
ça...
J.J. - C'était pour un mec nommé Snuff
Garrett; je faisais l'ingénieur du son pour lui à
l'époque, avec Leon Russell. C'était au début
ou au milieu des Années Soixante, juste au
début de la musique psychédélique, et Snuff
m'a demandé, hey, pourquoi tu ferais pas un
disque psychédélique? J'étais pas très bon,
mais il savait que je pouvais faire un disque
pour pas un rond, enfin pour pas cher; j'avais
tous ces amis qui crevaient la dalle comme
moi, et je pouvais les avoir pour trente ou dix
dollars. Enfin bref, il m'a donné les chansons à
faire; y avait "Eight Miles High" des Byrds,
"Mister Tambourine Man" et tout ça. Mais y
avait pas assez de chansons, alors j'ai écrit
deux ou trois instrumentaux, des trucs à la
noix. Le mec sur la pochette est un pote à moi,
il s'appelle Roger Tillison, il chante sur un morceau.
Et un autre pote à moi, Jimmy Martin,
en chante un autre; enfin, tous les mecs qui
traînaient chez Leon à l'époque je les amenais
jouer là-dessus. Je faisais aussi l'ingénieur du
son. Enfin... ça m'a vraiment soufflé quand ils
ont sorti ça, mais ils l'ont pourtant fait. Z'ont
appelé ça "Trip Down Sunset Strip", par les
Leather Coated Minds. Et juste après avoir
enregistré ça y a eu les fameuses "émeutes"
sur Sunset Strip, alors j'ai pris un petit cassette
comme le tien, là, un Sony, et j'ai enregistré
les hippies et les mecs qui beuglaient et
les motos et tout ça, et j'ai tout mixé sur la musique
pour rendre le truc plus naze. C'est
drôle, à chaque fois que je laisse quelqu'un
d'Europe me poser des questions cette merde
vient toujours sur le tapis.
P.G. - Oui, on aime tout ce qui est obscur,
chez nous...
J.J. - Ça, pour être obscur, c'est définitivement
obscur. Definitely b-a-a-d, too...
P.G. - Et à part ça, est-ce qu'il y a d'autres
disques, avant "Naturally"?
J.J. - Yi-eah, j'ai fait trois simples pour
Liberty. Le premier c'est Leon Russell et Snuff
Garrett qui l'ont produit, et c'est un truc que
j'avais pas écrit, ça s'appelait "Dick Tracy", et
on en a pas vendu un (that didn't sold anythang).
Le deuxième s'appelait "In Our Time"
et "Outside Looking In" et on n'en a pas
vendu la queue d'un non plus. Le troisième
s'appelait "Slow Motion", et sur la face B y
avait "After Midnight"; et ça non plus ça
s'est pas vendu. Mais c'est à cause de ce
simple qu'Eric Clapton a entendu "After
Midnight", cinq ans plus tard.
P.G. - Et qui lui a fait entendre le disque?
J.J. - Oh, ça j'en sais rien; peut-être Carl
Radle, ou Leon. Ou alors Jerry Allison, le mec
qu'était avec les Crickets, ou même Delaney
Bramlett; ils étaient tous à L.A. à traîner leur
couenne à l'époque. Ça peut être qu'un de
ceux-là. À moins que ma vieille mère lui ait envoyé
un exemplaire du disque... (Là, John
s'étrangle de rire comme s'il avait avalé sa
chique.)
P.G. - Mais en plus de jouer les ingénieurs
du son pour Snuff Garrett (importante figure
de l'industrie du disque; possédait Amigos
Studio à L.A., qui est à présent devenu le
Warner Studio; ancien de Nashville; c'est par
lui que Audie Ashworth a connu Cale, ou vice-versa),
tu jouais pas? T'as jamais été
sessionman?
J.J. - Non, pas vraiment. Je jouais des fois,
mais surtout avec la bande à Leon. À l'époque
où j'étais à L.A., pour être sessionman fallait
savoir lire. J'en ai fait une ou deux, j'y allais
de temps en temps quand on me demandait;
mais souvent, quand je commençais à comprendre
ce qui se passait c'était déjà fini...
Enfin, j'ai fait assez de sessions quand même
pour savoir ce qu'un sideman a à se farcir, ça
c'est sûr. Mais j'ai jamais gagné ma vie à faire
ça.
P.G. - Jamais fait de sessions à Nashville?
J.J. - Pas vraiment, non. J'ai joué une fois
ou deux sur les disques à Audie, et aussi pour
un ami à moi, Mike Lauders; de temps en
temps quelqu'un me demande et je me pointe
et je joue. I'll go pickin' almost anytime. Des
fois je vaux pas un clou, des fois je suis bon,
mais c'est le cas pour tout le monde, je suppose.
Tu me demandes de jouer sur ton
disque, je joue sur ton disque.
P.G. - Parce que t'aimes ça?
J.J. - Ouais, mais j'aime pas faire ça comme
un sessionman, qui doit se farcir trois ou
quatre sessions par jour pour commencer à
vivre décemment, et ça six jours par semaine.
Je suppose que s'il fallait que je le fasse je le
ferais, mais il se trouve que je fais plus de fric
en écrivant des chansons qu'en faisant des
sessions.
TULSA
P.G. - Là on a parlé de L.A., mais avant ça y
a eu Tulsa, non? Et après ça aussi...
J.J. - Ouais, enfin, je suis d'Oklahoma City,
mais j'ai été à l'école à Tulsa et c'est là que j'ai
grandi. J'ai passé cinq ans à L.A. à essayer de
percer, à jouer les clubs, avec un trio, tout seul
en chantant, et aussi avec Delaney and
Bonnie; on avait un groupe ensemble, juste
avant qu'ils percent et qu'ils décrochent leur
contrat. Et je suis retourné à Tulsa parce que
j'avais pas un rond. Je touchais le chômage,
mais ça suffisait pas. Oh, on était tout ce qu'il
y a de chaud, à l'époque. George Harrison
venait nous voir, Eric Clapton et tout le beau
monde. Mais y en avait pas un qui t'aurait
donné dix dollars pour croûter ou pour jouer.
C'était peut-être bon pour ton ego, mais ton
ego tu peux pas le dépenser; faut que tu
vendes ta salade. Alors cinq ans à L.A. à
essayer de percer, et rien n'arrive; alors je suis
retourné à Tulsa, je me suis dit que j'allais travailler
dans un bar là-bas, à jouer de la guitare,
sans chanter ni rien. Tulsa est une bonne ville
question night clubs, bistrots et tout ça. Ça
paye que dalle aussi, mais tu t'éclates tellement
à jouer là-bas, tu t'aperçois de rien. Et un
jour j'étais à Tulsa, et Bobby Keyes téléphone
et me dit comme ça: "On vient de faire
"After Midnight", avec Clapton..." Mais moi
j'avais déjà entendu ce genre de salade des
tas de fois, alors je suis retourné me coucher...
(rires) C'est que trois ou quatre mois plus tard
que j'ai commencé à entendre ça à la radio au
Top Forty, et ensuite ils se sont mis à la jouer
toutes les heures, et alors là je me suis dit que
j'avais un hit. Et je me suis dit aussi que j'étais
dans la merde. Parce que, faut comprendre,
j'étais habitué à avoir que dalle, et le seul
avantage à avoir que dalle c'est qu'il y a pas
de pression, personne n'attend quoi que ce
soit de toi... Enfin bref, Audie bigophone:
"Hey, mec, t'as un hit, faisons un disque..."
On se connaissait avant, j'étais déjà venu à
Nashville... On a commencé "Naturally" chez
Moss Rose, un quatre-pistes surtout bon pour
les démos, et on a converti tout ça, et on a fini
le reste là-bas dans la grange (Bradley's Barn).
(Moss Rose est aussi un ancien associé
d'Audie, avec lequel il a fondé Audigram, ou
ce qui est devenu Audigram, la maison de production
et d'édition.)
P.G. - Mais avant L.A., t'as eu des boulots
différents, autres que la musique?
J.J. - Yi-eah. J'ai passé un moment dans la
United States Air Force, ce qui est un boulot
vraiment tout ce qu'il y a de peinard (rires).
J'étais réserviste; j'avais été conscrit, avant
ça. J'ai bossé dans une aciérie pendant un an,
juste après l'école, au laminoir.
P.G. - Mais rien de musical?
J.J. - Je jouais les week-ends, mais fallait
que je bosse pour croûter. N'importe quoi,
tenir un stand de hamburgers ou un stand de
root-beer. Mais une fois en Californie, je me
suis juré que, quoi qu'il arrive (et il arrivait pas
grand-chose), jamais je reprendrais un boulot
"straight". M'en fous si c'est seulement pour
trois dollars, je préfère jouer de la guitare que
de m'éreinter avec ces boulots à la flan.
L'argent, ça m'a jamais beaucoup tenté de
toute manière...
Mater la qualité
de la trombine à Cale,
qualité qui n'apparaît
jamais sur les photos.
CLAPTON
P.G. - Et puis t'aimes pas te lever le matin...
J.J. - Naw. man. Ça aussi ça y faisait, je
crois. Encore que maintenant, des fois je me
lève à l'aube, ou même avant l'aube, mais
c'est seulement parce que je suis pas forcé. Et
puis je peux aller au lit dans l'après-midi si je
veux... On me dit que je suis flemmard, que je
prends trois ans pour sortir un disque et tout
ça, mais bon, j'essaie de VIVRE entre deux,
j'essaie de me payer du bon temps. Je vois
pas l'intérêt de devenir millionnaire. J'ai déjà
tout ce que je veux, en double. Two of everythang.
Et comme on dit, tu peux pas l'emporter
avec toi dans la tombe ("You can't take
it with you" - qui incidemment est aussi le
titre du B-side de "The Gambler", la version
sortie par ce mec Don Schlitz). Alors je fais ce
que j'ai à faire, mais pas plus. Et d'abord, y a
que les deux derniers albums qu'ont été longs
à venir, et ça c'est parce que, juste avant
"Troubadour", avec Audie on a décidé que
c'était idiot de dépenser tout ce fric en temps
de studio, valait mieux en avoir un chez nous.
Alors on a construit le studio à Crazy Mamas,
et bien sûr quand tu fais ça tu passes plus de
temps à construire et modifier et améliorer le
foutu truc qu'à faire de la musique. C'est pour
ça que "Troubadour" a pris si longtemps.
Okay. Ça, c'est quand j'habitais toujours à
Tulsa; j'arrêtais pas de faire la navette Tulsa-Nashville,
alors finalement je suis venu ici. Et
quand j'ai pris cette baraque on a recommencé
le même cirque, à construire ce que tu
vois ici, et ça c'est ce qui a retardé "Five". Cet
album, y a plein de plages qui sont que ça:
enregistrées en essayant le studio, en expérimentant,
en essayant d'enlever les couilles et
les défauts. On aurait pu jouer la facilité, remarque
bien, on aurait pu dire: "Amenez-nous
un super-studio tout monté", et tout ça.
Mais on a comme qui dirait moulu la farine en
même temps que fait cuire le gâteau; en
partie parce qu'Audie aime bien farfouiller
dans ce merdier, et moi aussi.
P.G. - Est-ce que Clapton a essayé de te
contacter, après "After Midnight"?
J.J. - Naw. Tout le monde me pose la même
question, et je réponds que Clapton a eu des
chiées de hits avant "After Midnight". On
s'est vu une fois, lors de la dernière tournée
que j'ai faite en Angleterre. Il avait déjà enregistré
"Cocaine", mais ça je le savais pas. Ils
sont venus, lui et ses musiciens. C'était au
New Vic, je crois bien. Il est venu jouer pour le
rappel, et on a causé deux minutes. Mais nous
on était en tournée et eux ils enregistraient,
alors on a eu le temps de rien.
P.G. - Mais ça te rebrousse pas un peu le
poil de voir les autres avoir tant de succès en
copiant ton style?
J.J. - Pourquoi ça, man?
P.G. - Pas le fait qu'ils reprennent une de
tes chansons, je veux dire, mais surtout le fait
qu'ils imitent ton style, Clapton et les autres...
J.J. - Mais lui au moins il a repris une de
mes chansons, il en a fait un hit. Tu sais pas à
quel point c'est difficile d'avoir une de tes
chansons chantée par Clapton, man? La musique
c'est gratuit, ou ça devrait. Moi, j'ai
appris en pompant sur des tas de gens. Et lui
au moins il m'a remboursé l'emprunt, il s'est
servi d'une de mes chansons. Et puis, dis,
Clapton avait son style et était célèbre avant
de faire mon genre de musique, et je suppose
qu'à présent il a dépassé ça, ou qu'il est passé
à autre chose. Ça a aidé sa carrière, ça a aidé
la mienne, it's o-kay. C'est ça, la musique... les
influences... Moi aussi, j'ai piqué des trucs à
droite à gauche...
P.G. - A qui, plus spécifiquement? (Vous
noterez la subtilité, le pataugas 44 fillette.)
J.J. - Oh, je sais pas. J'ai étudié et écouté
Chet Atkins d'aussi longtemps que je peux me
souvenir. Et je peux imiter Chet Atkins, mais je
vois pas tellement l'intérêt. D'abord parce qu'il
y a déjà trop de gens qui imitent Chet Atkins
(rires); ensuite parce que je fais ça seulement
pour le plaisir, mon plaisir. Pareil pour Fats
Domino, ou Elvis Presley. Toutes mes
influences viennent du rockabilly, tout ce qui
venait de Memphis ou Nashville au début ou
au milieu des Années Cinquante, juste avant
qu'on appelle ça rock'n'roll, l'époque où le
rhythm'n'blues était une musique nouvelle
pour les Blancs. J'avais quatorze-quinze ans, à
l'époque... Et si tu jouais de quelque chose,
fallait que tu joues cette musique-là...
P.G. - Tu jouais dans des groupes, déjà?
J.J. - Sûr, man, sûr...
(Parmi les groupes connus, il y a eu Johnnie
Cale and the Valentines et Gene Crose and
the Rockets.)
GUITARES
P.G. - Sur les photos des premiers albums
et quand je t'ai vu à San Francisco il y a quatre
ans, tu jouais sur cette légendaire Harmony
toute trafiquée. Et là cette année, en tournée,
tu jouais sur une Fender Stratocaster neuve...
J.J. - Ouais, pendant dix ans j'ai joué sur
cette Harmony; c'était la seule guitare que
j'avais; et puis je m'en suis fatigué. Enfin, je la
sors de temps en temps, mais bon, j'ai trente-cinq
guitares ici, man! Dès que j'ai eu un peu
de fric, je me suis mis à acheter des vieilles
grattes; certaines valent même un sacré paquet.
J'ai une Les Paul 1960 qui est très rare;
et je viens juste de dégoter une Fender Stratocaster
de 1956, juste l'autre jour. J'ai une
335 de 1960 (a sixty three thirty five). Je les
collectionne... J'ai six Stratocaster. Celle que
j'utilise sur la route est neuve. Je l'aime bien.
Quelqu'un d'autre la trouverait tarte, mais elle
se prête bien à mon style, c'est tout. Et je vais
te dire une autre chose sur les Fender: D-U-R-A-B-L-E-S.
Une des raisons pour lesquelles je
ne voyage plus avec mon Harmony, c'est que
les voyages en avion la foutaient complètement
en l'air. Ils mettent ça dans la soute à
bagages, et c'est pas chauffé et c'est pas
pressurisé comme dans l'espace des passagers,
et le bois travaille tu peux pas savoir.
En plus de ça, cette guitare était construite
comme un avion modèle réduit... Et c'est pas
tellement que les employés aux bagages massacrent
les valises, mais là-haut dans la
soute à bagages la température descend à
soixante, quatre-vingts en dessous de zéro,
alors tu vois le travail. Une Les Paul ou une
Stratocaster, tu peux presque sauter dessus à
pieds joints et en jouer après, elle sera
presque accordée. Mais mon Harmony en a
pris un sacré coup à voyager comme ça; la
dernière tournée où je l'ai prise, je payais
une place entière pour elle pour pouvoir l'emporter
avec moi, sur un siège à côté.
(Je rigole comme un idiot, et John me regarde
d'un air peiné.)
J.J. - Tu sais, si tu possèdes un engin
scientifique qui te sert à travailler, tu vas pas
le mettre dans la soute à bagages. Et c'est
comme ça que je gagne ma vie, à jouer de la
guitare, alors je vois pas ce qu'il y a de si ridicule.
C'est comme si je laissais ma main
voyager dans la soute et le reste de ma carcasse
en première... Ça a pas de sens. Et
puisque j'ai l'argent, je vois pas pourquoi je
devrais passer trois jours à remettre ma
guitare en état à chaque fois qu'on prend
l'avion... C'est pareil pour la plupart des guitaristes;
ils aiment pas trop prendre l'avion
avec leur instrument...
(Plus tard, John me fera voir la fameuse
Harmony. Un engin invraisemblable, sans
fond, le vernis tout décapé (s'il y a jamais eu
du vernis), et à l'intérieur un incroyable bricolage
qui ressemble plus au travail d'un serrurier
un brin dérangé qu'à celui d'un luthier.)
P.G. - En tournée tu as Christine Lakeland
pour chanter avec toi, mais à San Francisco tu
avais cette autre chanteuse qui avait une
sacrée pêche. Elle avait fait partie de ce
groupe, Buckwheat... Qu'est-ce qu'elle est
devenue?
J.J. - Sais pas trop... Elle devait se lancer
dans une carrière solo, mais quelque chose a
dû se passer, sais pas quoi; toujours est-il
qu'elle est à Tulsa. Si tu vas à Tulsa, tu vas au
Paradise Club, la boîte de Jimmy Martin, et si
elle passe pas là, tu peux être sûr qu'elle est à
l'affiche pour la semaine d'après...
P.G. - Et les musiciens que tu utilises en
tournée, comment tu les trouves?
J.J. - Ça fait sept ans que j'utilise le même
batteur et le même guitariste, Jimmy Karstein
et Bill Boatman. Surtout des gens de Tulsa; ça
reste flottant; quand je les appelle, ils sont
généralement d'accord...
C'est super à l'intérieur,
tout est à portée de
la main, même pas besoin
de sortir de son lit.
BRICOLE
P.G. - Mais aucun de ces musiciens ne joue
beaucoup sur les albums...
J.J. - Ils seraient les premiers à te le dire:
c'est pas des musiciens de session, c'est des
musiciens pour la route. Ils jouent plutôt
funky, un peu comme j'aime...
P.G. - Comment ça se passe pour choisir les
musiciens pour chaque chanson? Il semble
que tu sois très difficile sur ce point.
J.J. - Au début, ç'était surtout Audie qui les
choisissait. Il est d'ici et il connaît tout le
monde. Mais maintenant, je connais probablement
plus de musiciens que lui... Des fois il
dit comme ça "Y a un môme qui pète le
feu", alors on va le voir. Mais la plupart du
temps, je me retrouve avec les mecs un peu
plus vieux, parce que je suis plus tout jeune
moi-même...
P.G. - Mais ça se passe de la même façon à
Tulsa et à Nashville, entre musiciens?
J.J. - Pas du tout. Y a pas de studios à proprement
parler à Tulsa. Et ici à Nashville y a
pratiquement pas d'action la nuit (no night
life). Ici, pas question de jam ni rien. La
musique c'est les affaires, c'est un métier. Sur
rendez-vous exclusivement... Je connais personne
à Tulsa qui gagne sa vie avec la musique.
C'est une ville très musicale. Beaucoup
de gens fameux viennent d'Oklahoma, mais
j'en connais pas un qui ait fait fortune en y restant.
Encore l'autre jour j'ai rencontré à Frisco
un mec célèbre qui venait d'Oklahoma,
comment c'est son nom déjà... Boz Scaggs.
Hoyt Axton aussi est du coin. Elvin Bishop est
de Tulsa, David Gates, le mec de Bread. Mais
pour réussir, il a fallu qu'ils quittent le bled...
P.G. - Tu écoutes d'autres guitaristes? Tu es
curieux des autres styles? Je demande ça
parce que tu sembles si isolé, si unique dans
ton truc...
J.J. - Oh non, man, bien sûr que je les
écoute; j'écoute tout le monde. Je vais pas les
voir ni rien, ni papoter avec eux, j'ai pas le
temps, j'ai pas l'envie. Mais je peux toujours
mettre leur disque sur ma platine et ils sont
là, dans mon living-room. (Rugissement
soudain.) Et c'est généralement ce qu'ils ont
de mieux à offrir! C'est la beauté du truc;
pareil pour la télé. C'est ça, les communications
de masses: pas besoin de se rendre
visite... Et à dire vrai j'ai ni le goût, ni le
temps pour la "vie sociale", parce que j'ai
tout ça (il montre son studio-living room). Et
bon, ça fait déjà un bon moment que je joue
de la guitare, et c'est un instrument
incroyablement complexe, mais tu prends ça,
le studio, c'est une autre sorte d'instrument en
fin de compte. C'est comme... la guitare
possède six cordes et le truc c'est de les faire
jouer ensemble, eh ben dans le studio chaque
instrument est une corde. Parce qu'en fin de
compte, ce qui importe c'est ce qui sort de ton
haut-parleur... C'est pour ça que pour les deux
premiers albums je suis allé à droite à gauche,
à expérimenter, à essayer des studios différents;
j'ai toujours été curieux. Je touche pas
encore très bien ma bille à jouer de cet instrument,
la console, mais tu peux me donner un
E pour effort...
P.G. - Les gens en France vont être un peu
surpris de te savoir si curieux et passionné
d'électronique... Ils t'imagineraient plutôt
comme un poivrot en train de cuver sur son
porche, un cruchon à ses pieds, un chien
couché par terre et une guitare sur le bide...
J.J. - Ouais, bon, ben c'est l'impression que
les disques sont censés donner. Un ami à moi,
un gars qui me connaît bien, un jour me parlait
de "Magnolia" et me disait: "Man, j'adore ce
"live feel" que t'as là-dessus, ça sonne vrai."
Et il a été soufflé quand je lui ai dit que c'était
une chanson complètement manufacturée,
des petits bouts rajoutés, du vrai rafistolage...
Tu vois, j'aime bien enregistrer "live dans le
studio", mais pour ça faut être bon, faut jouer
longtemps avec les mêmes mecs, et ça coûte
bien trop d'argent... Alors je bricole... Sur le
dernier album je joue de tout sur certains morceaux,
j'utilise une machine pour la batterie.
P.G. - Tu vas devenir un perfectionniste?
Qu'est-ce que tu penses du dernier disque de
Ry Cooder, de la façon dont il a enregistré ça,
le procédé digital?
J.J. - Les gens me disent toujours que mes
disques sonnent "vrai". Mais en fait c'est
simplement parce que je laisse encore plein
d'erreurs, alors ils se disent que ça peut être
que live... Sûr, l'album de Cooder est une merveille.
C'est la bonne direction. Y a pas à discuter
là-dessus. Je veux dire, le procédé, l'idée
elle-même est tellement supérieure à toute
machine utilisant des bandes. Si t'as une
bande t'as de la friction, même sur un engin
cher et perfectionné. Si t'as de la friction t'as
de la perte de qualité, de la distorsion, y a pas
à pinailler là-dessus. C'est comme tout, c'est
que le début alors il doit y avoir des couilles et
des défauts... C'est comme Denny Cordell me
disait quand je lui parlais de quadriphonie à
l'époque où c'était la rage, il disait: "Oh? Ah
bon, alors je crois que je vais me mettre à
mixer en stéréo..." Moi, je me mettrai au
digital quand ce sera dépassé...
Avec Audie,
on a décidé que
valait mieux avoir
un studio chez nous.
BLUES
(Il se lève pour laisser entrer son chien Foley
(comme le MC du Grand Ole Opry?) et lui
donner sa pâtée. Foley commence par le café.
Mon café, en l'occurrence. Audie rigole. John
tance Foley pour la forme. Foley est un fana
de la glace aussi, ice-cream, tous parfums...)
P.G. - A part une ou deux chansons sur la
drogue ou sur le trafic de drogue, on peut dire
que tes chansons n'ont qu'un seul et unique
sujet: les femmes et le sexe. C'est le seul sujet
qui t'intéresse?
(Il se marre doucement et considère la
question...)
J.J. - C'est un bon sujet pour les chansons,
je trouve. En plus de ça, les femmes on peut
dire que c'est une vraie source de cafard et d'emmerdements,
a good source for the blues.
Et ça, j'ai en eu ma part. C'est la même histoire
sans âge que tout le monde répète
encore et toujours. De temps en temps quelqu'un
la raconte un tout petit peu différemment,
et généralement c'est un hit...
P.G. - T'es conscient du fait que des milliers
de gens baisent ou ont baisé sur tes disques?
Je veux dire, au hit-parade du disque de
chevet, y a J.J. Cale en tête de liste à tous les
coups...
J.J. - Oh yi-eah... L'autre jour cette souris
(that ole gal) vient me trouver et me fait
comme ça: "Hey, man, on vient juste de se
taper un petit cracou sur telle ou telle chanson",
et moi je lui fais: "Hey, désolé, faut pas
croire, I didn't mean to be in your bedroom, je
l'ai pas faite pour pouvoir être dans votre
chambre à coucher..."
P.G. - Tu avais développé ton style particulier
bien avant ce premier album, "Naturally"?
J.J. - Naw, pendant dix ans j'ai joué du
rock'n'roll, LOUD rock'n'roll, le genre, tu sais,
où on te dit: "Sorry, mais vous pouvez pas
jouer ici, trop fort..." J'ai joué comme ça
jusqu'à ce que je vienne ici à Nashville pour
enregistrer "Naturally". C'est Audie qu'a été
surpris! Il me connaissait comme un mec du
genre cogne-sur-la-guitare-comme-un-sourd,
mais la façon dont les chansons sont sorties
ça a donné ça, ce style chaloupé, y en a
qu'appellent ça laid-back. Moi, je trouvais
seulement que le style allait bien avec les
chansons, qu'étaient surtout du country-blues.
Et puis aussi, j'avais trente ans, mes oreilles
étaient fatiguées! Dix ans de ça... "After
Midnight", la façon dont je faisais ça sur le
simple c'était du rock dur et fort, un peu
comme ce qu'en a fait Clapton. Mais bon, dix
ans à faire ça, and it didn't make me no money
at all... Et le style qui a évolué à partir de cet
album, c'est un peu la façon dont je me
sentais... Et ça a marché, les gens ont aimé ça,
alors j'ai continué dans cette voie. Y a qu'au
moment où j'ai fait "Cocaine" que je me suis
trouvé un peu entre deux chaises. Parce que
c'est du rock, et puis il y a le sujet; et tout d'un
coup tout un tas d'autres gens se sont ramenés
à mes concerts, par curiosité, et ils réclamaient
du boogie, du rock, et d'un autre côté y
avait mes vieux fans qui voulaient leur Jay Jay
routine kind of jive, et moi je savais plus très
bien où j'en étais. Mais maintenant j'ai encore
dix ans de plus, alors je crois pas que je vais
beaucoup changer de direction.
P.G. - Pourtant t'as pas l'air d'aimer le train-train;
tu changes tout le temps de musiciens,
presque pour chaque chanson. Tu expérimentes
avec les arrangements. T'as les
cuivres, par exemple... T'aimes ça, les cuivres?
J.J. - Mmmm. Ceux sur "Naturally", je crois
que c'était bien. J'aimais bien les mecs, ils
jouaient en tournée avec Presley et y avait ce
type, Bob Holmes, un Noir, qui les dirigeait.
Tout ce que t'avais à faire c'était de leur siffler
un truc dans l'oreille, et ils se mettaient à
souffler. Et c'était bien, parce que moi je sais
pas écrire la musique... Sur "Really", je crois
que c'était des Nashville cats...
P.G. - Justement, je voulais demander: quel
est ton statut à Nashville?
J.J. - Ils me connaissent pas. Enfin,
beaucoup de musiciens ici me connaissent
et savent qui je suis, parce qu'ils ont joué avec
moi. Mais pour l'establishment et le music
business de Nashville, j'existe pas. C'est une
clique, des vieux barbons. Audie, lui, il a longtemps
fait partie de cet establishment, les
gens en place dans le métier. Mais depuis cinq
ans même lui a l'air de se dissocier de ça
(rires). Disons que je suis pas connu comme
country artist, et qu'à Nashville ils connaissent
rien d'autre.
P.G. - Et les pochettes? Cinq albums, cinq
artistes différents... C'est voulu?
J.J. - On a strictement rien à voir avec le
côté graphique des disques. Tout ça c'est fait
à Hollywood, ils connaissent ça mieux que
nous... J'ai été à l'école avec le mec qui a
peint le racoon pour "Naturally", pourtant.
Mais c'est vraiment un pur hasard. Un mec
nommé Rabon; parle d'un mec artsy-artsy,
man, alors lui il en tient une sacrée dose. Tu le
vois dans la rue et il dit: "Le ciel est bleu, le
ciel est beau", et bien sûr tout le monde
pense la même chose, mais y a que Rabon qui
le dit. Et il a une bouteille à la main... Quand
j'étais à l'école avec lui, moi aussi je peignais;
le pire scribouilleur au monde. J'ai arrêté,
j'étais trop atroce.
AUDIE - la pochette de "Really", le logo,
ils ont gagné des tas de prix pour ça. Mais à
l'origine la pochette devait être surélevée d'au
moins un centimètre, un truc insensé. Ça
aurait été terrible, mais ils ont dit que ça
coûterait trop cher...
(La conversation se transforme en vraie
conversation et dure assez longtemps. On
parle de L.A. et de tous les meublés que John
a fréquentés dans à peu près toutes les parties
de la ville. On parle d'Eddy Mitchell, qui est
venu récemment enregistrer à Nashville. John
joue sur "After Midnight", qui se trouve être
également le titre de l'album. Mitchell a
même invité Audie et John à Paris pour
l'Olympia. John ouvrirait pour lui et jouerait un
ou deux morceaux avec lui. Audie, qui aime
bien Paris, était intéressé. John aussi, parce
qu'il est toujours là-bas entre deux avions
sans avoir le temps de rien voir; juste les
Abattoirs, là où on l'avait collé la première
fois...)
A. - Mais bon, quand on a su que c'était
pour trois semaines, six jours par semaine, un
concert par soir et deux le samedi... Ça fait du
boulot, tout ça...
J.J. - Trop de boulot, man...
(On continue à parler de choses et d'autres, de
la France, de Django Reinhardt, du disco.
John raconte cette histoire sur Elmer
Valentine, pour qui il travaillait en 1963, à
l'époque où Valentine ouvrait le Whisky-A-Gogo
(vous devriez entendre Cale prononcer
ça, ça et disco-thèque).)
J.J. - Et je lui dis, man, toutes ces mousmées
qui dansent et tout ça, où t'as été
pêcher une idée pareille? Et ce nom-là? Et lui
il me fait, in Paris, France, man, une boîte
appelée le Whisky A-Gogo. Là-bas, ils
appellent ça disco-thèque... Maintenant il a le
Roxy, Elmer. Il s'est fait une jolie pelote...
Il fait bien gaffe à ce
qu'il fait. On voit pas
beaucoup de gens dans ce métier
qui savent vivre avec le succès.
CUISINE
Le temps passe et on décide de lever le pied
pour manger un morceau. Dehors la nuit est
claire et froide, après la flotte des jours
passés. John annonce que le froid va arriver,
qu'il peut le sentir dans l'air (comme si on se
les gelait pas assez comme ça). Parquée sur
cales devant sa maison se trouve une magnifique
caravane Airstream aux lignes rondes
et lisses. John passe beaucoup de temps dans
son "camper". Comme il dit, c'est super à
l'intérieur, tout est à portée de la main, même
pas besoin de sortir du lit... Et il va où, comme
ça? Et il fait quoi? "Oh, je fais rien, rien du
tout. Je prends une guitare avec moi, c'est
tout. Ça me repose de la maison, parce qu'ici
je me lève à n'importe quelle heure, mais
aussitôt j'allume le magnéto et bientôt je me
retrouve à travailler, même si j'en avais pas
l'intention... J'aime bien me retrouver dans un
trailer park, parler avec les voisins, les gens
normaux... les gens savent pas qui je suis."
Le dîner est excellent, simple et abondant.
Southern cooking. Ribs, southern fried chicken
(pas graillon), fried okra, marshmallowed
sweet potatoes, lemonpie... Entre deux
bouchées, John continue à parler. Je me
renseigne sur Karl Himmel. J'ai deviné juste:
c'est son batteur favori.
J.J. - Karl est sans doute, à part Audie, ce
que j'ai de plus proche d'un ami ici à
Nashville. Il est de la Nouvelle Orléans, et son
truc c'est le jazz, pas le country. Il est
malheureux comme les pierres ici, il déteste
jouer derrière les chanteurs country; tu vois, il
est très inventif... et ici, on te demande de
garder le temps et pas plus. Alors il grommelle
et rend tout le monde nerveux. Il va s'en aller
à New York, parce que de moins en moins de
producteurs veulent de lui: il râle trop. Mais
c'est super de jouer avec lui. Un soir il va être
totalement merdeux, mais d'autres fois il va te
sortir un truc qui va l'étonner lui-même. Et
pour moi, ça compte: je suis prêt à supporter
beaucoup de choses de quelqu'un d'assez
bon et d'assez passionné pour faire quelque
chose qui le surprend lui-même.
La nuit dernière il a joué une bonne partie de
la nuit chez lui avec deux jeunes gars de
l'orchestre de Bill Monroe. "Juste du bluegrass,
rien d'électrique à part la basse; les
voisins pouvaient pas se plaindre... But boy,
those kids sure knew how to play that banjo
and that dobro..." Ensuite il parle du bouquin
qu'il vient de finir et qu'il recommande vivement
à Audie: "Best book on Nashville and
what it is to be a songwriter in Nashville..."
Le livre est par Tom T. Hall. John cite ses
passages favoris, puis des bouts de chansons
par Tom T. Hall qu'il aime particulièrement. "Il
était présent quand Tootsie est morte."
Tootsie, c'est bien sûr la proprio du Tootsie's
Orchid Lounge, le célèbre bouge sur
Broadway dont la porte de derrière communiquait
presque avec les coulisses du Grand Ole
Opry du temps du Ryman Auditorium.
Gardant leur image immaculée pour les foules
puritaines et bondieusardes qui patronnent le
Show, les stars se faufilaient chez Tootsie par
derrière et faisaient la fête avec leurs
collègues. (La même hypocrisie qui ne trompe
personne règne dans cette capitale des vendeurs
de bibles; de la même manière, vous
serez peut-être un brin choqués d'apprendre
qu'il est impossible de se faire servir à boire à
Lynchburg, Tennessee, le pays qui donné le
Jack Daniel au monde libre, Moore County
n'autorisant pas la vente des boissons alcoolisées.
Ce qui n'empêche que Nashville
compte une belle colonie de pictons...)
Cale n'a plus l'air sur ses gardes avec moi, la
conversation est devenue juste ça: une
conversation. John aime visiblement causer
comme tout un chacun. C'est juste qu'il préfère
causer de ce qui l'intéresse. Comme de
savoir si Audie va pouvoir lui ravoir du bois,
parce qu'il s'est fait estamper avec cette
saleté de bois vert qui brûle pas. Et il a bien
cette scie mécanique qu'il a achetée chez
Sears, mais il faut la monter... "Et je suis pas
très fortiche avec ces choses-là. Je me
défends pour tout ce qui électrique, mais pour
le reste... je me retrouverais vite manchot..."
Je prends congé sans avoir pris une seule
photo de Cale. Le lendemain midi, coup de
pot: juste au moment où je quitte le driveway
de chez Audie, je vois John descendre de sa
Porsche grise. Et je lui tire le portrait à la va-vite.
J.J. Cale à une heure de l'après-midi, une
barbe de trois jours, le menton jauni par la
nicotine ou - est-ce qu'on sait - le jus de
chique.
Le soir en revenant de chez John, Audie me ramène
et se fait pensif. Le silence est confortable.
Et je me dis que ces deux hommes ont
quelque chose de précieux tous les deux, ils
travaillent ENSEMBLE à quelque chose
d'important: rester sain d'esprit dans un
métier où il y a très peu de place pour ça.
Audie hoche la tête et déclare finalement:
"La seule chose que je peux dire sur lui, ou
plutôt la meilleure chose, c'est que je le
connais depuis plus de dix ans et qu'on a fait
du business ensemble et qu'après cinq
disques il est toujours mon ami. L'autre jour
Leon Russell est venu et je l'ai emmené à la
maison de Cale, et Leon connaît John depuis
bien plus longtemps que moi encore. Et en
revenant il m'a dit: "Ben tu sais pas, Cale est
resté le même homme!". Mais faudrait
surtout pas croire que c'est naturel, ou facile,
ou qu'il est juste comme ça. Il y travaille dur, il
fait bien gaffe à ce qu'il fait. Et pour ça, je le
respecte. On voit pas beaucoup de gens dans
ce métier qui peuvent accepter le succès et
savent vivre avec et savent le contrôler. Et
John est un homme qui essaie de mener sa
vie au lieu de se laisser mener".
Voilà. J'ai vu l'homme. Maintenant j'attends le
disque, le prochain. Qui, John l'a promis,
devrait venir plus vite que "Five". Et les amateurs
seront aussi heureux d'apprendre qu'un
songbook de J.J. Cale devrait sortir en janvier,
distribué aux States par Columbia Books.
Vingt chansons de J.J. Cale avec petits commentaires
de John indiquant COMMENT LES
JOUER, à chaque morceau. Toutes demandes
de renseignements à ce sujet peuvent être
adressées à Audie Ashworth, Audigram, Inc,
p.o. box 22635, Nashville Tennessee 37202.
Mais bien sûr il y en a qui n'ont pas attendu le
songbook pour apprendre à jouer comme lui.
Et faire fortune.
Après le prochain album, Cale devrait passer
chez Phonogram et Mercury. La séparation
d'avec Cordell et Shelter se fait à l'amiable.
Audie se trouve seulement gêné aux entournures
par les rapports tendus qui existent (ou
en fait n'existent pas) entre Cordell et MCA
depuis le coup de Tom Petty. Alors pour
arrondir les angles Audie et John ont décidé
de laisser l'Angleterre et l'Irlande à Cordell
comme cadeau d'adieu. Comme dit Audie:
"On aurait pu se lancer dans des procès à
n'en plus finir, mais comme tu as peut-être pu
le remarquer, c'est pas exactement le style de
John. Il aime pas les emmerdements, surtout
à propos d'argent. Et puis il aime bien
Cordell."
Comme a dit l'autre soir J.J. Cale: "I already
got two of ev'rythang; and, man, you can't
take it with you..."
Non. Mais ce qu'on peut emporter avec soi ce
sont les chouettes souvenirs... - PHILIPPE
GARNIER (Los Angeles, décembre 79).
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